La nouvelle diversité ethnique de Cluj : les étudiants musulmans et moldaves.
La ville de Cluj présente un nombre croissant d’étudiants étrangers. Ce phénomène en augmentation a trois causes. D’abord, il est dû au grand nombre de places spéciales et de bourses réservées aux étudiants de République de Moldavie qui souhaitent étudier en Roumanie. Par exemple, à Iasi, six mille étudiants sont originaires de la République de Moldavie. À Cluj, environ mille étudiants bénéficient de ce type de bourses offertes par l’État roumain. Le deuxième facteur est lié au coût des études à l’Université de médecine et de pharmacie Iuliu Hatieganu, qui avoisine les six mille euros par an, le montant annuel le plus bas à verser dans une faculté de médecine de l’Union Européenne pour un étudiant étranger. Ceux qui terminent leurs études dans cette faculté ont l’opportunité de décrocher un diplôme de médecine reconnu par l’Union Européenne. Les étudiants étrangers sont également attirés à Cluj par un autre programme : Erasmus, qui crée un cadre permettant aux étudiants de l’UE de venir à Cluj pour six mois ou un an, pour étudier dans les universités de la ville. Le nombre d’étudiants dans ce cas est encore réduit, une centaine environ, mais il est en augmentation.
Jusqu’à il y a peu de temps, la Roumanie n’était pas un pays d’accueil de migrants, un fait perceptible aussi à Cluj. Pourtant, à la différence d’autres villes de la province, le nombre d’étrangers y est supérieur, ce qui est particulièrement dû au centre universitaire et plus récemment, aux investisseurs étrangers, acteurs de ce que l’on nomme le phénomène migratoire des entreprises.
Nous décrivons dans ce texte un phénomène naissant en Roumanie et à Cluj. Nous nous proposons de découvrir, à travers des entretiens, les modalités d’intégration sociale des étudiants étrangers. Nous présentons ci-après quelques données sur le phénomène migratoire en Roumanie, avec la situation des étudiants musulmans et de République de Moldavie, qui représentent les groupes d’étudiants étrangers les plus fournis de Cluj.
Les immigrants de Cluj
D’après des données du Bureau de l’immigration de Cluj, le nombre d’immigrants est passé de 1 600 en 2003, à 4 000 en 2008 et 8 000 en 2009. Les données de 2008 indiquent que la plus grosse part des étrangers viennent de Tunisie (864) et de Moldavie (864), et ensuite de Turquie (358). En 2009, les calculs estiment que 5 000 immigrants proviennent de l’Union Européenne et 2 908 de pays n’appartenant pas à l’Union. En 2010, le même Bureau informe que 2 124 étrangers disposent d’un permis de séjour étudiant temporaire [Cluj4all, 7 avril 2010]. Le nombre d’étudiants étrangers arrivant à Cluj est en augmentation constante, particulièrement depuis l’adhésion de la Roumanie à l’Union Européenne. Une grande partie d’entre eux a choisi d’étudier à l’Université de médecine et de pharmacie Iuliu Hatieganu. Cette seule université accueille 1 600 étudiants étrangers, pour la plupart musulmans ou citoyens de la République de Moldavie.
Les étudiants musulmans
La présence d’étudiants originaires de pays arabes remonte à l’époque communiste. Ils étaient attirés par le coût de la vie relativement bas et par la qualité des études, mais aussi par une collaboration favorable entre Ceauşescu et les dictateurs tunisiens ou libyens. Ces étudiants renvoyaient à l’époque une image d’étrangers riches et séducteurs. Dans les années 1990, leur nombre commença à baisser drastiquement. En 2000, les autorités donnaient le chiffre de 413 étudiants originaires de pays à majorité musulmane (Tunisie, pays arabes du Golfe, Kazakhstan, Pakistan) à Cluj. Dès lors, ce chiffre tripla à mesure que les étudiants commencèrent à revenir étudier à Cluj. Ainsi, Marius Bojita, président de l’Université de médecine et de pharmacie de Cluj, déclara qu’en 2003 l’université accueillait 586 étudiants étrangers et 1 552 en 2008. Certaines données de 2009 indiquent que 84% des étudiants étrangers de l’université de médecine étaient Tunisiens. 47% du total des étudiants de Cluj étaient musulmans. À Cluj, la faculté de médecine accueille 1 000 étudiants dans la modalité d’enseignement en langue française et 600, dont 200 Suédois, dans celle de langue anglaise. Alors que les médecins roumains émigrent en France, en Suède, en Allemagne ou en Grande Bretagne, les étudiants français viennent étudier la médecine à Cluj. D’après l’un d’entre eux, les facultés de médecine françaises sont élitistes, alors qu’à Cluj les professeurs sont ouverts et ils aiment enseigner.
La majorité des étudiants étrangers venant à Cluj sont musulmans. Bien que seulement 500 musulmans résident officiellement à Cluj, il faut ajouter 1 000 étudiants de plus au début de chaque année universitaire. En 1997 fut inaugurée la première mosquée de la ville. Son imam était aussi étudiant en médecine. Il nous raconte que les étudiants ne viennent pas beaucoup à la mosquée et qu’ils s’éloignent du chemin enseigné par la religion. Les blogs et forums des musulmans de Roumanie transmettent la même impression. Il est reproché aux étudiants de passer leurs nuits dans les clubs et les établissements de jeux de hasard au lieu d’étudier. Certains ne se rendent pas à la mosquée par peur d’être taxés de fondamentalistes par la population majoritaire. Dans une conversation sur Internet sur la relation entre étudiants musulmans et roumains, certains se plaignaient que les étrangers arrivent toujours en retard ou tout simplement ne se présentent pas en cours et qu’ils ignorent les normes. La conclusion était qu’il est plus facile pour les étudiants étrangers d’étudier à Cluj, car les normes ne sont pas aussi strictes et leur non respect n’est pas pénalisé. Un étudiant étranger réagissait en disant qu’il ne faut pas faire de généralités et que le principal problème entre les étudiants étrangers et roumains venait selon lui du manque de communication ou d’une mauvaise communication.
Les étudiants de République de Moldavie
Le nombre d’étudiants originaires de Moldavie a constamment augmenté depuis 1991, surtout à cause d’un programme spécial lancé par le gouvernement de Roumanie, qui offrait des places spéciales et des bourses aux étudiants originaires de la République de Moldavie. Les villes favorites des étudiants moldaves sont Iasi, suivie de Bucarest, Timisoara et Cluj.
À la différence des étudiants musulmans, beaucoup des étudiants de Moldavie ne pensent pas rentrer dans leur pays à la fin de leurs études. Une étude de 2003 signalait que 57% des étudiants qui vivent en République de Moldavie envisagent d’abandonner leur pays et se projettent dans l’avenir plutôt comme des émigrants. Certains étudiants qui arrivent en Roumanie cherchent à s’intégrer, tandis que d’autres voient la Roumanie comme une destination temporaire d’où ils pourront partir vers un pays économiquement plus développé. Le processus d’intégration dans la communauté roumaine peut s’observer à travers les relations d’amitié établies avec les Roumains, mais aussi à travers l’engagement des étudiants moldaves au sein d’activités culturelles et civiques. Ceux-ci ont créé des associations pour promouvoir leurs intérêts et conserver leur identité. Le GIB, Groupe d’initiative de Bessarabie, fondé en 2006, en est un exemple. Cette association fut créée par des étudiants de Cluj pour défendre les intérêts et les droits des étudiants de Bessarabie. Elle concentre ses activités dans deux domaines : faciliter l’intégration des étudiants moldaves et promouvoir la culture de Bessarabie. Cette culture est à l’honneur lors de festivals et de conférences annuelles, ainsi que lors de concerts d’artistes de Bessarabie. Par exemple, en 2009, l’association a organisé une conférence pour débattre sur la situation politique en Moldavie avant les élections générales. Le festival de Bessarabie de 2009 a réuni et encouragé des artistes de la République de Moldavie. L’objectif du festival était de stimuler l’identité bessarabe comme une partie du milieu multiculturel de Cluj.
L’opinion sur les Moldaves a significativement changé à Cluj. Dans les années 1990, ils étaient appelés « les Russes », de façon péjorative. « Les Russes », c’était les vendeurs de produits chinois et russes sur les marchés agroalimentaires de la ville, mais aussi les nouveaux étudiants originaires de République de Moldavie. Depuis, la perception des habitants a beaucoup changé, surtout parce que l’influence de la Bessarabie s’est fait particulièrement remarquer dans la musique et dans les shows télévisés. Aujourd’hui, l’opinion sur les étudiants moldaves n’est pas négative. Une étude de 2009 à propos de la vie des Moldaves de Cluj indiquait que les étudiants moldaves ne se sentent pas rejetés ou isolés par la communauté majoritaire. Ils sont parfois considérés comme des « Russes », mais les étudiants moldaves croient, en général, que les étudiants roumains les traitent d’égal à égal. Cette idée a aussi été renforcée par les actions sociales et culturelles à l’initiative de l’État roumain. Le ministère des affaires étrangères a financé plusieurs événements et festivals pour renforcer l’identité roumaine en Moldavie.
Nous nous intéresserons maintenant aux modalités d’intégration sociale des étudiants moldaves, d’une part, et originaires du Maghreb et d’Asie Mineure et Centrale d’autre part. Nous distinguerons les différentes modalités de socialisation des deux groupes de migrants et nous exposerons les opinions des étudiants après l’analyse des vingt entretiens effectués, à part égale entre ces deux ensembles d’étudiants. Enfin, nous argumenterons que la différence culturelle perçue et la décision de rentrer ou pas dans leur pays d’origine influencent de façon décisive la sociabilité des migrants.
Les étudiants originaires du Maghreb et d’Asie Mineure et Centrale : perceptions sociales et sociabilité différenciée
De nos jours, les étudiants continuent d’arriver chaque année depuis plusieurs pays. Leur présence dans la ville est devenue très visible, surtout ces dernières années, lorsqu’ils ont commencé à se présenter en plus grand nombre dans les restaurants orientaux qui ont ouvert peu à peu et, tout aussi important, dans la mosquée peu connue de la zone de Haşdeu.
Ces étudiants, qui se présentent de confession musulmane, proviennent essentiellement de pays comme la Tunisie et d’autres pays arabes de la zone du Golfe, mais aussi du Kazakhstan, du Pakistan ou de pays de l’Union Européenne. L’augmentation du nombre d’étudiants étrangers est due au fait que les diplômes universitaires roumains sont reconnus dans les pays de l’Union Européenne depuis 2007, et aussi au fait que faire des études en Roumanie coûte cher, mais comparativement moins que dans d’autres pays européens. Les étudiants musulmans doivent payer leurs études et la grande majorité a l’intention de rentrer dans son pays d’origine. Les études en Roumanie sont considérées comme un investissement pour l’avenir. Ils arrivent à Cluj sur les recommandations de leurs familles et connaissances qui ont aussi étudié à Cluj. Nous décrivons ensuite également les opinions de ces étudiants à propos de Cluj et comment ils perçoivent l’attitude des Roumains envers les étudiants étrangers. En d’autres mots, que signifie être musulman à Cluj.
Pour beaucoup d’entre eux, en arrivant à Cluj, la première impression se traduit par une légère déception. En général, les étudiants n’étaient pas informés sur la Roumanie et s’attendaient à trouver une prospérité bien supérieure dans un pays de l’Union Européenne : « j’étais un peu déçu, les infrastructures et les bâtiments ne sont pas exceptionnels. Les gens sont sympa, mais ils ne parlent pas anglais ». Les étudiants qui arrivent du Kazakhstan sont assez familiarisés, car ils partagent le même passé communiste. De plus, ils peuvent se lier d’amitié avec les étudiants de Bessarabie, avec qui ils parlent russe. Après la première période d’adaptation, les étudiants parviennent à bien s’adapter au contexte local. Les étudiants musulmans disposent de quelques espaces de socialisation. Ils entretiennent des liens de camaraderie avec les étudiants roumains, mais c’est au sein des groupes d’étudiants étrangers, particulièrement des groupes musulmans, qu’ils tissent de véritables liens d’amitié. L’une des causes de cette préférence vient du fait qu’ils n’ont pas souvent de place dans les résidences et quand ils louent un appartement, ils le font normalement en groupe. Pour une partie d’entre eux, l’arrivée en Roumanie est vécue comme une sorte de libération du contrôle familial et social, car dans leur pays d’origine les jeunes sont davantage soumis à l’autorité parentale pour ce qui est du rythme de vie et des relations sociales. En général, ils revendiquent des différences culturelles très marquées entre leur société d’origine et la société roumaine, mais aussi le fait qu’en Roumanie, « ils peuvent faire ce qu’ils veulent ». Les étudiants s’adaptent très bien à la société de Cluj. Ils considèrent qu’ils ont rarement dû faire face à des attitudes racistes ou à des comportements discriminatoires, et quand cela s’est présenté, c’était le fait de personnes âgées. Ils pensent que les étudiants roumains sont tolérants et curieux d’entamer des liens avec eux. En général, la société de Cluj leur semble une société tranquille, où règnent sécurité quotidienne et tolérance. Le milieu étudiant est multiculturel et les étudiants musulmans côtoient des étudiants moldaves et originaires d’Europe occidentale, qui arrivent surtout grâce aux bourses Erasmus. Cela génère une ambiance agréable à Cluj et la plupart des étudiants musulmans parviennent à s’identifier assez bien avec la ville. Quand ils rentrent chez eux, dans leurs pays d’origine, la vie à Cluj leur manque.
Il existe une différence nette entre l’intégration sociale des étudiants filles et garçons. Alors que les garçons préfèrent se sociabiliser entre eux, ils échangent amplement avec des étudiants roumains ou d’Europe Occidentale, les jeunes musulmanes s’isolent de la société étudiante de Cluj, réduisant l’interaction sociale au strict nécessaire. Les jeunes étudiants sont davantage curieux d’entrer en relation avec d’autres étudiants, ce qui est souvent considéré comme une libération sociale. Ils sortent souvent le soir dans les clubs de la ville, ils veulent côtoyer des filles roumaines et organiser des fêtes. Certains d’entre eux seraient disposés à rester à Cluj s’il y avait suffisamment d’opportunités de travail ou d’affaires, mais tous s’accordent à dire que ce genre d’expectatives est peu réaliste. Pour cette raison, les relations avec les filles roumaines sont considérées comme temporaires : après la période d’études en Roumanie, ils rentreront dans leurs pays, où les Roumaines devraient s’adapter à un autre système de valeurs beaucoup plus traditionaliste. Pour les étudiants, un mariage avec une Roumaine devrait être approuvé par leurs parents, particulièrement par leur père, mais la différence culturelle et religieuse semble représenter un frein significatif. Malgré tout, la vie étudiante implique pour eux de nombreuses amitiés nouvelles, au moins pendant la période de leurs études.
Pour les étudiantes, la situation est différente. Elles préfèrent s’enfermer dans des cercles très restreints d’étudiantes musulmanes. Elles portent souvent le hijab, la variante moins traditionaliste du voile islamique. Elles semblent moins curieuses d’établir des relations avec les étudiants roumains et en général, elles se plaignent que les jeunes musulmans sortent beaucoup dans les discothèques. Les étudiantes disposent d’un autre lieu important de socialisation avec la mosquée de la rue Păstorului, où elles vont prier et lire. Cet endroit n’offre pas d’opportunités de socialisation en dehors des groupes d’étudiants musulmans. Ainsi, nous pouvons distinguer deux modalités d’intégration sociale des étudiants musulmans : garçons et filles se sociabilisent particulièrement au sein de groupes d’étudiants musulmans, mais les garçons sont plus enclins à entamer des relations avec des étudiants roumains. Les filles sont plus distantes, tandis que les garçons saisissent les opportunités de socialisation dans les discothèques et les bars de la ville. Malgré tout, les relations avec les Roumains sont plutôt temporaires et se limitent à la durée des études.
Les étudiants moldaves : migration permanente et identification au contexte de la ville
À la différence des étudiants musulmans, les étudiants moldaves ont une modalité totalement différente d’intégration sociale, surtout basée sur leurs projets de migration. Si les étudiants musulmans ont l’intention de rentrer dans leurs pays d’origine, il n’en va pas de même pour les étudiants moldaves. Pour eux, la migration est définitive et la période d’études en Roumanie est considérée comme décisive en ce sens : « nous, nous ne souhaitons pas nécessairement venir en Roumanie, mais plutôt nous échapper, partir ailleurs ». Les étudiants considèrent que les différences culturelles entre eux et les Roumains sont minimes et se limitent à l’accent et à de légères variantes linguistiques. Être étudiant à l’université à Cluj est une question de prestige. Une partie des étudiants de Bessarabie consacre beaucoup de temps à l’éducation et considère qu’obtenir de bons résultats les aidera aussi bien pour continuer à migrer (ou à rester en Roumanie) que pour se développer professionnellement. De plus, les étudiants de Bessarabie qui vivent à Cluj parlent roumain, ce qui leur facilite considérablement l’accès au processus éducatif, l’intégration sociale et la relation avec les institutions locales. Ils ont une image positive de Cluj. Comme ils proviennent souvent de petites villes de République de Moldavie, la vie étudiante à Cluj représente une réussite personnelle, une étape très utile pour une possible migration future vers des pays plus occidentaux de l’Union Européenne. De plus, la possibilité d’obtenir la nationalité roumaine leur offre une véritable opportunité de continuer à émigrer. Ils considèrent qu’ils méritent le soutien que leur apporte l’État roumain pour étudier ainsi que l’accès à la nationalité roumaine, car ils se sentent encore Roumains, eux dont les grands-parents ont vécu dans une Roumanie qui à l’époque incluaient aussi la République de Moldavie. Les étudiants interrogés ont mentionné le fait qu’ils n’ont pas beaucoup de raisons de rentrer en République de Moldavie, que leur vie se déroule à Cluj et qu’ils n’ont plus grand-chose en commun avec leurs amis restés « au pays ». En général, ils mentionnent la tolérance de l’environnement de Cluj, mais aussi le fait qu’ils ont dû parfois faire face à des situations où ils s’entendaient dire de « rentrer en Russie ». Le cadre institutionnel leur est bénéfique, car ils ont accès à des bourses d’État et à des places en résidences universitaires. Ceci est décisif pour les relations sociales qu’ils établissent à Cluj, car ils parviennent à cohabiter et à se lier d’amitié avec des Roumains. Les divergences sont moins fréquentes et ils mentionnent qu’ils ne connaissent pas de problèmes de communication avec les jeunes Roumains ou Hongrois. Dans la première partie de leur vie étudiante, les Moldaves participent activement au Groupe d’initiative de Bessarabie de Cluj. L’activisme au sein du GIB est surtout avéré pendant la première année et les aide à se sociabiliser et se faire de nouveaux amis. Plus tard, cependant, les Moldaves tentent d’intégrer d’autres groupes sociaux et associations. Pour la plupart d’entre eux, le séjour à Cluj est difficile. Les bourses ne sont pas élevées et les étudiants étrangers n’ont pas d’autorisation de travailler. Beaucoup d’entre eux dépendent donc économiquement de leurs parents pendant toute la période de leurs études. Rester à Cluj n’est pas une solution, étant donné les opportunités économiques limitées offertes par la ville. Pour la plupart, la migration à Bucarest ou dans d’autres pays européens est la seule option d’avenir.
En comparaison avec les étudiants musulmans, les Moldaves sont pratiquement « invisibles » dans l’espace public. La différence culturelle est minime, mais malgré tout, les Moldaves tendent à se sociabiliser et à vivre au sein de couples et de cercles moldaves. Cependant, ce n’est pas un acte conscient « d’isolement » social et culturel, mais plutôt une sociabilité générée par le pragmatisme de la migration et de l’intégration sociale. De même, le statut des Moldaves est différent de celui des musulmans. Tandis que les musulmans sont considérés comme des étudiants riches, les Moldaves doivent se forger une position sociale dans un contexte économique adverse et faire face à de grandes limitations institutionnelles. Pour cette raison, les Moldaves se plaignent que bien qu’ils se sentent Roumains, leurs droits sont presque les mêmes que ceux des étudiants musulmans. Cependant, ils ont un accès direct aux autorités locales grâce à l’existence du GIB et aux diverses actions culturelles locales. L’activisme dans le cadre de ces organisations locales non gouvernementales leur offre des possibilités supplémentaires de socialisation et de potentielles opportunités économiques, c’est pourquoi certains des étudiants interrogés ont aussi été activistes dans d’autres ONG de Cluj.
Conclusions
L’immigration universitaire à Cluj est un phénomène récent, mais qui commence à prendre de l’ampleur ces dernières années. La chance d’étudier à moindre coût, dans un milieu ouvert et varié, représente pour les étudiants des pays à majorité musulmane une opportunité de décrocher un diplôme reconnu en France ou dans tout autre pays de l’Union Européenne. Pour les étudiants moldaves, étudier à Cluj est une question de prestige, mais c’est aussi la chance de se forger un avenir en Roumanie ou dans un pays d’Europe Occidentale. Les étudiants musulmans et moldaves perçoivent Cluj comme une ville accueillante et tolérante, où il leur est facile de s’intégrer. Les modalités d’intégration, par le biais de personnes rencontrées à la faculté pour les étudiants musulmans, et grâce aux activités associatives et civiques pour les Moldaves, signalent l’importance des raisons fondamentales de l’émigration dans un autre pays. Des motivations non seulement économiques, mais qui correspondent aussi à une convergence de facteurs institutionnels et culturels propres au pays d’accueil.
Références
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